A quoi les rapports sexuels ressembleront-ils dans le futur ?

Publié le 19 juillet 2019 à 14h48
A quoi les rapports sexuels ressembleront-ils dans le futur ?

ANTICIPATION - Des robots sophistiqués à la réalité virtuelle, bon nombre d'inventions technologiques laissent entrevoir à quoi ressembleront les révolutions sexuelles de demain. Avec cette question en suspens : "Qu'est-ce qui pourra sauver l'amour en 2050 ?"

Qu'elle est loin la vision du film Barbarella (1968), dans lequel Roger Vadim imaginait un monde, en l'an 40 000, vivant dans une ère peace and love dans laquelle les gens faisaient l'amour... en absorbant des pilules et d'un simple contact de la main. En 2030, 2040, 2050, les rapports sexuels s'annoncent bien différents, plus "connectés" surtout.

Le temps d’une conférence organisée en juillet à Paris sur le sexe et le désir, Guilhem Fouetillou, cofondateur de Linkfluence, start-up spécialisée dans l'analyse de réseaux sociaux, et Gildas Launay, président de l'agence de contenu Everyday Content, ont révélé des scénarios possibles sur ce futur du sexe . "Ce ne sont que des pistes de réflexion", précisent-ils d'emblée. "D’autant que les questions de communauté, de genre, de pratiques sexuelles très compartimentées restent poreuses. Au fond, on observe que tout acte social, économique, sexuel, politique se révèle tributaire des convulsions d’un pays, n’en déplaise aux avancées technologiques. Prenez le retour au nationalisme, sujet majeur en Europe, qui peut incidemment avoir un impact sur la sexualité de demain. Regardez les flambées que provoquent des débats comme la PMA et la GPA…" 

Aussi, Guilhem Fouetillou et Gildas Launay se sont sciemment détachés de ces considérations socio-politiques, comme des filtres idéologiques, pour envisager ce qui pourrait nourrir demain nos secrets d'alcôve.

Les sex-toys dotés d'intelligence artficielle

En 2018, la société d’étude de marché Yougov a interrogé 1006 français de 18 à 34 ans et le résultat est sans appel : un quart des interrogés (26%) chérirait son smartphone au point d'être prêt à abandonner pour lui, un an durant, tout rapport sexuel. Preuve que, demain, on fera sans doute moins l’amour, mais on le fera différemment... avec des sextoys connectés, par exemple ? Oui, aux yeux de Guilhem Fouetillou et Gildas Launay : "De plus en plus de sex labs (laboratoires du sexe) réfléchissent sur l’avenir du sexe, et donc sur le sextoy doté d’une intelligence artificielle, qui permet d’adapter son comportement et donc ses vibrations à son utilisateur." 

Les "virtual girlfriends"

Nous évoquions il y a peu le phénomène GoneWildAudio, le porno sonore, alternative plébiscitée par des communautés ravies par la jouissance de l’écoute. Cette mouvance confirme la place de plus en plus prégnante du sexe virtuel dans les existences. Pour preuve, le phénomène des "virtual girlfriend", exploré au cinéma dans le film Her de Spike Jonze (Joaquin Phoenix, dévasté par une rupture sentimentale, noue une romance avec une voix de machine) et déjà très en vogue au Japon selon nos deux spécialistes : "Ce sont des petites amies basées sur intelligence artificielle, disponibles à toute heure de la journée sur téléphone, qui entretiennent une conversation avec vous, s’adaptent à vos préoccupations comme à votre manière de parler. Dans les études japonaises, elles ont un impact sur la capacité à dater l'âge d'une femme dans la vraie vie et ont fait reculer celui du premier rapport sexuel. C’est une tendance qui est déjà en marche au Japon, où beaucoup de jeunes de moins de 30 ans préfèrent développer une sexualité sur Internet plutôt que dans la vraie vie. On n’est plus trop dans la science-fiction sur ce coup."

Les robots sexuels

"Au moment où l’on se parle, il y a une centaine de spécialistes qui planche sur le sujet, aux Etats-Unis, au Japon. Vous avez même aujourd’hui des mouvements militants au Japon, portés par des femmes, contre le robot comme partenaire sexuel – le robot sexuel étant essentiellement conçu par des hommes. Et donc contre cette intelligence artificielle, celle qui est à votre service, et qui par défaut, a une voix de femme. Les chiffres montrent que les gens ne sont pas contre cette idée. Un Américain sur deux dit que, dans les trente ans à venir, il serait prêt à avoir des rapports sexuels avec un robot. Le déclic viendra lorsque la barrière morale tombera. Et elle finira forcément par tomber un jour..."

La réalité toujours plus virtuelle

On sous-estime à quel point l’industrie du sexe a toujours été à la pointe des grandes avancées technologiques, et la réalité virtuelle est considérablement portée par le secteur de la pornographie : "Pour l’instant, l’industrie du X fait des choses assez moches en termes de VR, la faute à un budget trop faible. Dans les années à venir, l’enjeu sera de taille, consistant à passer d’une représentation pornographique sur un écran plat à un univers en 360, comme sur la scène d’un théâtre, où l’utilisateur peut se déplacer, interagir avec une personne, afin que ses émotions guident en temps réel un scénario. Avec la VR, on peut mentir à cette zone érogène qu’est le cerveau, c’est-à-dire vous faire croire que vous êtes ailleurs, voire même que vous êtes d’un autre genre." 

De quoi rappeler cette idée révolutionnaire du film mésestimé Strange Days de Kathryn Bigelow (1995), où une personne pouvait enregistrer toutes les sensations d’une expérience vécue sur des minidisques contenant des expériences (illégales) de réalité virtuelle et les partager de façon immersive à une autre. 

La pansexualité

Demain, tous pansexuels ? C'est ce que nos deux experts semblent suggérer : "Une personne pansexuelle est une personne qui va, de manière émotionnelle, avoir une attirance sexuelle pour une autre personne, peu importe la question du genre. Une star comme Miley Cirus revendique déjà cette pansexualité. Donc, oui, dans un avenir proche, c’est une vraie possibilité. D’autant que, si on fait le lien avec la réalité virtuelle, grâce à la technologie, on pourra expérimenter et habiter différentes sexualités."

Le sexe bio

Face aux vidéos pornographiques qui se reproduisent, se partagent, se meurent dans le grand-tout numérique, le désir cherche à se réinventer autrement. Le sexe "bio" constitue un rejet de ce trop-plein : une rencontre naturelle comme on en faisait des années plus tôt, avec pourquoi pas un revival de l’amour courtois de nos ancêtres. "Face à la profusion des outils et des applications de drague, on vivra peut-être une émergence d’usage post-Tinder, une sexualité post-'on se chauffe par sms'. On perçoit que cette pratique commence à fatiguer des femmes et des hommes qui veulent autre chose que du sexe façon galerie marchande. Et qui peut-être seront en quête d’authenticité, d’un retour simple au désir d’une rencontre, du 'slow sexe'. Soit un retour aux sources : comment retrouver un rapport normal, 'bio' entre deux personnes."


Romain LE VERN

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